Culture en Europe: l’asphyxie
Pas d’exception culturelle en France : les théâtres, cinémas et musées restent fermés. Les artistes sont au bord du gouffre. Comment est la situation culturelle ailleurs en Europe ? Zoom sur l’Espagne, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et l’Italie.
Le sentiment d’abandon du flamenco espagnol est immense
Depuis le 13 mars 2020, le gouvernement de Madrid n’a pas concédé le moindre geste aux « tablaos », ces temples fiévreux d’une musique et d’une danse, élevée au rang de patrimoine culturel immatériel de l’Humanité en 2012. La seule initiative de Madrid se résume à son « Plan d’impact pour la Culture » visant à renforcer la programmation des spectacles de Flamenco à la télévision, et à accompagner les associations de Flamenco pour qu’elles se produisent en ligne. Mais à part ça, aucune aide financière, le seul soutien est venu des communautés autonomes pour assurer le paiement des loyers et éviter aux locataires des « tablaos » de finir à la rue. « Au total, six des vingt et une salles madrilènes ont mis la clé sous la porte depuis le début de la pandémie », pouvait-on lire dans Le Monde.
Une enquête du syndicat Union Flamenca, datée du 18 novembre, révèle que 42% des musiciens, chanteurs, danseurs qui vivent de cet art envisagent d’abandonner la profession s’ils ne retrouvent pas de travail d’ici quelque temps.
Quant aux comédiens, comme en France, ils sont à l’asphyxie.
Grande-Bretagne : « Nous avons besoin de nos arts pour nous élever »
Plus au Nord de l’Europe, les artistes de l’industrie musicale britannique ne décolèrent pas, lâchés, dès le 1er confinement, sans travail, sans aucune ressource et sans aide. Quelques mois plus tard, en Grande-Bretagne, 30% des musiciens ont été contraints de changer de métier. Dans les colonnes de The Guardian, début décembre, le musicien et producteur Damon Albarn a dénoncé « L’absence totale de considération, d’empathie du gouvernement pour les arts ».
Pourtant, début juillet, après des semaines de pression de l’industrie britannique du spectacle, le ministre de la Culture Oliver Dowden a annoncé un plan de relance de 1,57 milliard de livres sterling, soit 1,73 milliard d’euros. Quelques jours auparavant, 1 500 personnalités et artistes britanniques, de Paul Mc Cartney aux Rolling Stones, en passant par Coldplay ou Depeche Mode, avaient écrit une lettre ouverte au gouvernement lui demandant un plan d’urgence pour l’industrie musicale.
La fermeture des lieux culturels de nouveau depuis mi-décembre représente, notamment, un véritable désastre pour les théâtres de la capitale. Là où l’on vend encore plus de billets qu’à New York – 15 millions l’an dernier pour aussi les comédies musicales – les scènes sont restées vides quasiment toute l’année. Les ventes de billets ont chuté de 93% avec la pandémie.
Les conséquences de choix politiques
Une sentence déjà prononcée en Allemagne. Les lieux culturels resteront également fermés jusqu’à mi-janvier au moins. Mais les mots d’Angela Merkel, au bord des larmes le 5 décembre, à l’idée de priver ces concitoyens d’activité culturelle, « Il nous manque ce que les artistes nous donnent et ce qu’eux seuls peuvent nous donner« , démontrent toute l’empathie – si singulière en Europe – de la chancelière vis-à-vis du secteur culturel.
Dans la foulée du discours d’Angela Merkel, l’annonce par Monika Grutters d’un nouveau coup de pouce financier aux producteurs. La compensation, plafonnée à 300 000 euros, des pertes de revenus de chaque producteur de théâtre et de musique, des acteurs que la ministre de la Culture qualifie « d’épine dorsale de notre vie musicale et de notre culture théâtrale ». Ces mesures du plan « Neustart Kultur », une contribution d’un milliard d’euros, rapidement mise en place au printemps par l’Etat, en complément du large soutien déjà apporté par les Landers.
La considération pour cette question semble beaucoup plus relative en Italie, où l’on attend avec impatience les 200 milliards d’euros d’aide européenne mais où l’on estime que la Culture italienne ne mérite pas plus que des miettes. Seulement 1,5% de cette manne sera attribué à l’écosystème culturel italien, lui aussi chancelant.
Le mépris ou la méconnaissance
Une tendance assez claire apparaît à la lumière de cette pandémie, la Culture ne fait pas partie des priorités. Quand on voit l’émoi concernant le sort de Notre-Dame et lorsqu’on constate l’absence de considération vis à vis des acteurs vivants de la Culture, cela fait réfléchir…
La méconnaissance du monde de la Culture conduirait-elle aujourd’hui un grand nombre de dirigeants à déconsidérer ce secteur ? Cet univers peut pourtant s’avérer précieux en matière de politique étrangère… et économique. Mesure-t-on à sa juste valeur le poids de la Culture dans l’économie ? Est-ce que la Culture est une dépense, une économie ou un besoin ?
La pandémie révèle en tout cas la méconnaissance d’un secteur qui ne réclame pas un traitement de faveur mais simplement d’être reconnu à sa juste valeur.
Source : franceculture.fr