Quand la vidéo entre en scène
De plus en plus présente dans les créations ces dernières années, la vidéo filmée et diffusée en direct infiltre le monde du théâtre.
Les comédiens de la pièce Le Ciel de Nantes de l’écrivain, réalisateur et metteur en scène Christophe Honoré, s’éclipsent tout à coup du plateau pour rejoindre en coulisses un espace invisible du public. L’écran installé au-dessus de la scène a pris le relais, donnant à voir aux spectateurs les visages des comédiens filmés en gros plan.
Cette pièce de Christophe Honoré s’inscrit dans l’air du temps de la vidéo filmée et diffusée en direct. L’avènement de la technologie a permis le recours à ce dispositif, élargissant les possibilités de créations artistiques. Si les metteurs en scène sont de plus en plus nombreux à l’utiliser, ils ne sont en revanche qu’une poignée à penser leurs créations en fonction de ce nouvel outil, parmi lesquels Julien Gosselin, Anne-Cécile Vandalem, Guy Cassier ou Cyril Teste.
Accompagnant l’intégralité de la pièce ou seulement certaines scènes, la vidéo filmée et diffusée en direct bouleverse le genre théâtral et brouille la frontière entre théâtre et cinéma. Mais l’effet est voulu.
Des contraintes techniques et de la rigueur
La vidéo filmée et diffusée en direct est avant tout un outil au service d’un metteur en scène, lui permettant d’élaborer ses créations et de parvenir au résultat souhaité. « L’utilisation de la vidéo au théâtre relève moins d’un apport dramaturgique que d’une façon d’exprimer au mieux des choses qui sont extrêmement intimes et sensibles », indique Julien Gosselin.
Pour parvenir à un tel résultat, le rôle des comédiens est primordial. Généralement, ces derniers sont suivis par des cadreurs, filmant le moindre de leurs mouvements. Les placements, le texte, le rythme : tout repose sur une seconde, un centimètre pour que la magie opère. Le jeu résulte ainsi d’une chorégraphie rigoureusement apprise.
Cet exercice, d’ordinaire dévolu au jeu, est davantage tourné vers la technique quand la vidéo entre en scène.
Un rapport au public qui change
L’irruption de la vidéo filmée et diffusée en direct dans les salles de théâtre modifie le rapport avec les spectateurs. Parfois installé au poulailler ou souffrant d’une vision dégradée, le public peut faire face à des difficultés pour voir les comédiens. Avec un écran installé au-dessus de la scène, les visages sont désormais en gros plan, visibles de tous. Dotés de micros, les personnages deviennent aussi plus audibles.
L’exigence s’avère plus accrue pour les comédiens. « Dans une pièce de théâtre sans vidéo, le public porte son regard où il veut. La caméra, elle, ne loupe rien, c’est elle qui porte le regard », analyse Rodolphe Gentilhomme, comédien. « Puisque la distance est réduite avec le public, de fait, par les micros et par la caméra, on peut aller au plus près des émotions ».
Mais ce n’est pas sans conséquence pour la représentation : « Il me semble que l’utilisation des micros brise la chaleur pure du théâtre », confie Julien Gosselin.
Un autre rapport au temps
L’utilisation de la vidéo au théâtre induit aussi un nouveau rapport au temps. Les images filmées sont diffusées en direct, mais il demeure un léger décalage. « Filmer me permet de faire disparaître la question du pur présent, alors même que le théâtre est l’endroit de la production du réel. » explique Julien Gosselin.
Si l’on peut parfois comparer le rendu d’une pièce de théâtre intégrant la vidéo filmée et diffusée en direct à du cinéma, les professionnels s’accordent sur le fait que cela reste du théâtre.
Avec la vidéo, le metteur en scène a trouvé sa manière de raconter des histoires. « Filmer me permet d’exprimer des choses qui sont à l’intérieur de moi, des images, des sensations, que j’exprimerais moins bien sans la vidéo. Mais tout ça reste très mystérieux… », conclut Julien Gosselin.
Vous l’aurez compris, c’est un parti pris qui peut plaire ou déplaire. Alors si vous n’avez jamais vu de pièce avec de la vidéo filmée en direct, allez-y pour vous faire votre propre idée.
Source : lavie.fr