1 an après: comment le théâtre se réinvente

De nombreux théâtres et lieux culturels sont occupés en France par des intermittents et étudiants, selon la CGT Spectacle qui a initié ce mouvement le 4 mars au théâtre de l’Odéon, à Paris. C’est le cas au théâtre Graslin à Nantes, mais aussi à Toulouse, Amiens, Tours et bien d’autres villes. Parmi les revendications, la réouverture des lieux culturels, l’assurance chômage et l’indemnisation des intermittents. Avec aussi l’opportunité de penser, tester, l’avenir du théâtre.

À Toulouse, le Théâtre de la Cité (pré)occupé par la création

Il s’agit d’un théâtre fermé aux spectateurs mais qui n’a pas cessé de travailler depuis un an : le CDN de Toulouse, occupé depuis le 11 mars, est un lieu d’expérimentation et de réflexion pour les jeunes sur une réinvention de la création et de la rencontre avec le public : « On utilise des techniques de télévision pour réinventer une expérience de théâtre vivant. Ce n’est pas du cinéma ni du théâtre filmé. »

Juan, 22 ans, en master d’écriture dramatique, à l’université Jean-Jaurès de Toulouse, est l’un d’eux. Intéressé par la mise en scène, il pense que « c’est très difficile parce qu’une des questions les plus récurrentes et qui est une question très théâtrale, c’est : va-t-on avoir un espace pour travailler ? Comme nous n’avons pas d’espace et que nous sommes réduits à notre chambre. Notre chambre d’étudiant est petite, donc nous sommes un peu dans une sorte de paranoïa constante en se disant est-ce que j’attends de travailler ou est-ce que j’essaie de travailler maintenant ? Avec ce mouvement au Théâtre de la Cité, je commence à pouvoir créer un réseau avec d’autres élèves et d’autres artistes.« 

A Avignon, le In et le Off restent optimistes

Pas de report, aucune annulation envisagée : la 75e édition du festival d’Avignon sera « exceptionnelle » explique Olivier Py. Elle est prévue du 5 au 25 juillet sous le thème « Se souvenir de l’avenir ». 46 spectacles sont prévus, 2 expositions, 40 lectures ainsi que 70 débats et rencontres. Des questions sur l’organisation et sur les jauges à faire respecter dans les salles demeurent. Plusieurs scénarios sont à l’étude. Un seul mot d’ordre : l’optimisme.
Le Off, quant à lui, se pose des questions sur son déroulement, mais souhaite ne pas revoir une ville morte, comme en 2020. Harold David, coprésident de la Fédération des Théâtres indépendants d’Avignon, précise que « les prises de décision définitives vont se faire entre le 15 et le 30 avril. Ce qui est certain c’est que jusqu’au bout on se battra pour faire exister quelque chose à Avignon cet été. »

Emmanuel Noblet et son jeu à distance

Comédien et metteur en scène, Emmanuel Noblet a reçu un Molière en 2017 pour un seul en scène dans Réparer les vivants. Solidaire des théâtres occupés, il vient de terminer les répétitions d’une pièce mise en scène par Christophe Rauck au théâtre du Nord à Lille.
Au-delà de sa colère face à la fermeture des salles de spectacles et aux conséquences sur les intermittents, il profite de la période pour inventer une nouvelle façon de proposer un vrai moment de théâtre à distance. « J’ai réfléchi à un texte qui pourrait seulement se jouer par la vidéo, où la vidéo serait une résolution dramaturgique. »

Le milieu scolaire: une alternative ?

Depuis le début du covid les artistes du spectacle vivant n’ont cessé d’inventer de nouvelles scènes pour se produire. Des vidéos, des fenêtres ouvertes sur coure, dans la rue, et puis ensuite là où les rassemblements de publics sont permis, les églises, les Ehpad, les prisons et bien sûr les établissements scolaires.

En 2021, dans le cadre de l’été culturel le ministère de la Culture a prévu 20 millions d’euros supplémentaires pour soutenir toutes les manifestations artistiques en milieu scolaire via 8 000 artistes sur toute la France. Mais personne ne semble savoir si un budget a été débloqué avec la pandémie et les théâtres fermés. Pareil du côté du ministère de l’Education Nationale, personne ne sait donner de chiffres sur le nombre des représentations en milieu scolaire depuis le début de la crise. Même chose du côté de la Ligue de l’enseignement, la fédération d’associations qui organise les activités culturelles à l’école, son budget n’a pas bougé cette année.

« Mais jouer devant des scolaires ça n’a rien de nouveau ! Depuis des décennies, partout sur le territoire, les scènes conventionnées ont dans leurs cahiers des charges l’obligation d’intervenir en milieu scolaire. Jusqu’ici ils n’en faisaient pas la publicité et communiquaient sur leurs spectacles pour faire venir du public. Aujourd’hui, comme les salles sont fermées, les théâtres et les artistes parlent enfin de leur travail à l’école comme d’un vrai travail artistique, et c’est tant mieux ! » Mathilde Michaud, de la ligue de l’enseignement

Au collège de Oucques la Nouvelle, dans le Loir-et-Cher, à 40 km de tous les lieux culturels, 60 élèves de 4ème ont assisté récemment à une pièce de théâtre forum consacrée à la mixité. Un tiers des élèves a déjà assisté à un spectacle dans un théâtre.

Dans une salle de classe, une comédienne en costume masquée, avec une valise et des objets pousse la porte et se présente aux élèves.  Elle interpelle les collégiens avec des jeux de mots, de l’ironie, de l’humour potache, elle les fait réagir. Une fois la pièce terminée, elle a prévu un moment de débat pour évoquer la mixité.

Certains jeunes confient que cette période les a plongés dans une  dépression malgré le contact possible par le biais des écrans. C’est pour cela que la comédienne a pensé ce spectacle. Ancienne professeur de français, Marion Souillard, de la compagnie Wish association Théâtre de l’Aparté à Vendôme, s’est passionnée pour le théâtre après y avoir été initiée par le collège.
« L’enfant que j’étais et qui écoutait la radio et regardait la télévision croyait que l’art ne se faisait que dans les grandes villes et en particulier à Paris. Aujourd’hui, cette enfant là est heureuse de voir que l’on parle de ce qui passe ailleurs parce qu’il y a de l’art dramatique dans bien d’autres endroits que dans les théâtres. »
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Source : franceculture.fr
Intégralité de l’article https://www.franceculture.fr/theatre/le-theatre-se-reinvente-t-il-apres-un-de-pandemie