Le doublage de Game of Thrones

Tout le monde connaît les répliques d’Hodor, le géant simplet de « Game of Thrones », mais l’acteur, lui, demeure un mystère. Normal, Kristian Nairn ne vient pas du cinéma mais du monde de la nuit. DJ archi-geek, le géant irlandais a joué avec les plus grands.

Il est à Game of Thrones ce que Hulk est aux Avengers. De gros bras et des économies substantielles en doublage. Hodor, palefrenier et nounou à plein temps du jeune Bran Stark, a toujours quelque chose à dire, seulement ce quelque chose tient en cinq lettres : « Hodor ». Ajoutez à ça une lourde carcasse de 2m10 et un visage d’ange, et vous tenez certainement l’un des personnages préférés des fans.

Ce doux géant, qui schtroumpfe par défaut de langage, est interprété à l’écran par un quasi-inconnu, Kristian Nairn. Amateur de comics et de culture geek, l’imposant Irlandais connaît, à 38 ans, son premier rôle important. Le reste du temps, Kristian est DJ. Il est même l’une des figures du club Kremlin, à Belfast, depuis une dizaine d’années. Sans être un géant dans sa catégorie, il a pu mixer avec Calvin Harris, Scissor Sisters ou encore Mylo…

Ironiquement, et peut-être heureusement, l’acteur est connu pour être beaucoup plus prolixe que son personnage. Touché par cette célébrité nouvelle, Kristian Nairn s’adonne sans déplaisir à l’exercice de l’interview, qu’il ponctue généralement de quelques « Hodor » pour amuser la galerie. Dans ces occasions, il aime à s’exprimer sur la difficulté de son rôle. Si apprendre son texte n’a jamais dû poser problème, l’Irlandais doit rendre lisible l’état d’âme de son benêt de personnage dans un seul mot. Un vrai challenge, ainsi qu’il le racontait au micro de Mouloud Achour en octobre dernier : « Au début quand on m’a annoncé que je n’aurais qu’un mot à dire, je n’y croyais pas. Mais au bout du compte, c’est un vrai défi. Sur le tournage, le réalisateur me dit maintenant il faut que tu transmettes telle ou telle émotion, alors que je n’ai qu’un seul mot à mon répertoire. C’est assez extraordinaire, mais ça me va très bien de ne pas avoir de texte à apprendre. »

Rien ne prédestinait le musicien/producteur, irlandais de surcroît, à rejoindre le casting d’un superproduction américaine. Il faut revenir quelques années en arrière, au moment des auditions, pour que les pièces du puzzle s’assemblent enfin. L’acteur XXL n’a pas eu à postuler, on l’a appelé : « J’avais passé des auditions pour un rôle dans le fim Hot Fuzz, quelques années plus tôt. C’est comme ça qu’ils ont pensé à moi.»

On peut être trentenaire, fan d’heroic fantasy et ne jamais avoir ouvert un livre de George R.R. Martin. C’était le cas du DJ, qui ne comprenait même pas ce qui lui arrivait: « Au moment des auditions, je n’avais pas vraiment conscience de ce que représentait la série. Mais c’est ma mère, ultra fan du roman, qui m’a dit: “fonce!”.» Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’Irlandais a eu une curieuse façon de foncer: «J’ai réalisé une vidéo en vitesse. On me voyait transporter un enfant sur le dos pendant un anniversaire et soulever une table en acajou… Avec le recul, je pense que j’aurais fait les choses différemment. Mais faut croire qu’elle a plu. » Faut croire, oui. L’Irlandais ne s’en plaindra pas. Le rôle fait ses affaires autant que son bonheur. Le geek n’a plus besoin de payer pour se rendre aux conventions. On se bouscule pour l’y inviter.

Harry Lepont/20 minutes