Présidentielle : et la voix dans tout ça ?

Notre voix dit beaucoup de nous et de ce que nous ressentons. Les politiques l’ont bien compris et n’hésitent pas à en jouer pour mieux nous séduire à travers leur discours. Décryptage avec un expert vocal, à moins de 3 semaines du premier tour de l’élection présidentielle.

Comme tout un chacun, la voix des politiques ​sert et parfois dessert leurs discours. Ajoutez à cela le ton, qui vient faire danser les mots, leur donner une âme. Demandez à Yannick Jadot, Valérie Pécresse ou Marine Le Pen de prononcer exactement la même phrase. Le ton qu’emploiera chacun d’entre eux communiquera une information psychologique différente. On ​appelle ça l’art oratoire, être capable de convaincre, d’émouvoir par la parole.

Hervé Pata est expert en techniques vocales, maître de conférences à Sciences Po Paris, et auteur d’un ouvrage sur le sujet, Le grand livre de la technique vocale. Depuis plusieurs années, il accompagne des politiques en quête d’une voix qui rassemble et suscite l’adhésion.

En pleine course à la présidentielle 2022, le programme politique d’un candidat ne fait pas tout. Il faut aussi savoir le dire. Le timbre de voix, le phrasé, la portée, la tonalité… L’art et la manière de faire passer son message. Hervé Pata l’affirme, la voix est plus importante que ce que l’on dit : « C’est la forme qui fait passer le fond, jamais l’inverse. Certains conférenciers vous endorment en cinq minutes alors que le contenu de leur discours est génial ».

Les voix graves ont plus d’incidences que les voix aiguës

Au grand dam de ceux qui briguent l’Élysée, tout le monde ne joue pas sur la même longueur de cordes, il y a des voix plus convaincantes que d’autres. En 2015, une étude publiée dans la revue scientifique britannique Proceeding of the Royal Society B révélait que les électeurs accordaient leurs votes aux candidats qui disposaient de la voix la plus grave, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme. « Les voix graves ont plus d’incidences que les voix aiguës, poursuit Hervé Pata. Ces dernières peuvent rebuter. »

Si la pratique est bien connue, le recours à un coach vocal reste néanmoins tabou pour les candidats à la présidentielle. « Il ne faut pas oublier que ce sont des gens qui ont un ego considérable. En venant me voir, ils remettent en cause leurs compétences, et puis la voix touche à l’intime. La voix peut dévoiler plein de choses sur eux. », explique l’expert.

Le silence a aussi son importance

Pour les aider à tendre vers une voix la plus crédible et convaincante possible, Hervé Pata leur donne des clés pour maintenir l’attention tout au long d’un discours. Cela passe par des exercices. « Notamment le travail respiratoire pour faire vibrer harmonieusement les cordes vocales. On travaille aussi la prosodie, c’est-à-dire la rythmicité mélodique de la voix. Cela concerne la hauteur, l’intensité, la fluidité.»

« Le silence a aussi son importance, il participe de l’attractivité vocale. Il faut laisser un minimum de temps aux cerveaux des gens qui écoutent pour assimiler ce que vous êtes en train de dire. L’attractivité passe aussi par-là. »

Hervé Pata soumet également ses clients à deux instruments de mesure qu’il a développé avec Yves Feigneux, informaticien et mathématicien. « Le premier nous donne par exemple la longueur du conduit vocal du candidat ou encore les harmoniques. Le second logiciel enregistre notamment les voyelles et nous donne tous les paramètres intrinsèques de la voix ». Des outils qui permettent de comprendre le travail qu’il faut faire auprès du candidat « enrichir la voix d’harmonique, modifier le débit, etc. ».

À force de pratique, les meilleurs élèves peuvent acquérir le singing-formant, une zone fréquentielle énergisée aux environs de 3 000 Hz. Quand vous l’avez, vous êtes sûr d’être attractif. Le singing-formant permet de traverser toute une salle et d’atteindre le champ émotionnel des auditeurs. »

Nul doute que vous n’écouterez plus les discours politiques de la même manière…


Source : ouest-France.fr
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